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Thierry Pernot
12/01/2021
Créez une mare dans votre jardin !
Conseils et retour d'expérience pour créer une mare dans son jardin
N° article : 90
  1. Poissons rouges et myriophylles dans la nouvelle mare

    Créez une mare dans votre jardin !


    Une des causes majeures de la baisse de la biodiversité actuelle est liée à la très forte raréfaction des zones humides et autres points d’eau.


    Au cours du siècle dernier et sur l’ensemble de la planète, plus de la moitié des zones humides a disparu. Pour être plus précis, 64% des zones humides du globe ont disparu depuis 1900.


    La France n’est pas épargnée, loin de là.

    Période 1960 - 1990

    Les milieux humides ont perdu 50% de leur surface entre 1960 et 1990.


    Période 1990 - 2000

    Pour cette période, une étude de l’Institut français de l’environnement (Ifen) de 2007 montrait que 70% des surfaces de zones humides avaient été stabilisées, mais que 30% d’entre elles continuaient à régresser.


    Période 2000 – 2010

    Sur cette période, il a été observé une amélioration sur 11% des zones humides, une dégradation sur 48% et donc une stabilité sur les 41% restant.


    Autre bilan en 2012

    Même si de nombreuses mesures environnementales ont été prises, en particulier dans le cadre du projet Natura 2000, l’état de conservation des zones humides en France reste très préoccupant. 

    Seulement 7% des habitats humides naturels d’intérêt communautaire sont classés dans un état de conservation favorable.

    Pour plus de détail voir : http://www.zones-humides.org/


    Quel intérêt avez-vous à créer une mare dans votre jardin ?


    1- Vous agissez contre la disparition des zones humides en créant un nouveau point d’eau


    2- Vous créez un habitat avec une biodiversité très riche qui vous permettra de réaliser des observations passionnantes, vous pourrez observer entre autres :


    - Les poissons que vous aurez introduits (Carpes, tanches, poissons rouges, etc).


    - Les amphibiens qui ne manqueront pas de coloniser rapidement votre mare.

    Il est très intéressant d’observer les pontes, puis l’évolution des têtards et enfin la sortie des petites grenouilles.


    - Les reptiles, essentiellement les couleuvres à collier et les couleuvres verte et jaune apprécieront de se rafraichir dans votre mare, mais également pourrons se nourrir de poissons et d’amphibiens.


    - Les oiseaux qui viennent boire et se laver, ou même manger dans le cas du héron ! 

    À cet égard, le ballet des hirondelles est magnifique. Régulièrement, une vingtaine d’hirondelles tournent autour de la mare, effectuant des approches en rase-motte pour boire à la surface de l’eau. Pour que les hirondelles puissent accéder à votre mare, celle-ci doit faire au moins 3 mètres dans sa plus grande dimension et ne présenter aucun obstacle vertical, car les hirondelles doivent pouvoir accéder à la surface de l’eau en vol à assez grande vitesse.

    Je me suis d’ailleurs demandé si la raréfaction des hirondelles n’était pas directement liée à la raréfaction des points d’eau. Lorsque j’ai agrandi notre mare, permettant ainsi l’accès aux hirondelles, elles sont immédiatement venues y boire et se baigner.


    - Vous pouvez également observer des mammifères à proximité, comme les musaraignes, les fouines et martres. Au crépuscule, l’activité des chauves-souris qui viennent boire et chasser est un spectacle à ne pas manquer.


    - Tout le cortège d’arthropodes associé à la mare sera également observable.

    Vous pourrez constater que les abeilles, les polistes et les bourdons viennent boire ou rechercher des matériaux. 

    Quel plaisir d’observer les libellules et les agrions étincelants !


    - Sans oublier l’ensemble des plantes aquatiques qui progressivement prendront place dans votre mare.


    Vous le voyez, une mare est riche d’enseignement et apporte beaucoup de plaisir.


    Un réseau de mares !

    Ce serait encore mieux si l’on pouvait créer un réseau de mares reliant les différentes parties du village et même de relier les villages entre eux. Créer des corridors bleus à l’échelle locale en quelques sortes. 

    Cela accroitrait encore plus fortement la biodiversité. Je vais tenter de lancer ce projet.


    Quelques fausses vérités sur les points d’eau

    La mare va nous apporter des moustiques !

    Faux, si votre mare est peuplée de poissons, ceux-ci vont manger l’essentiel des larves de moustiques, les amphibiens, les oiseaux, les chauves-souris et les libellules mangeront le reste.


    La mare va nous apporter de mauvaises odeurs !

    Faux, à partir du moment où votre mare sera colonisée par la végétation, à partir du moment où il y aura de la vie, il n’y aura pas de mauvaises odeurs.

    Il ne faut pas comparer une mare vivante avec un égout.

     

    Comment faire pour créer une mare ?

    Les dimensions

    Pour qu’une flore et une faune significative puissent s’installer, les dimensions de votre mare doivent être suffisantes. Le minimum conseillé est de 3 mètres de long sur 2 mètres de large. Pour la profondeur, je vous conseille un minimum de 60 cm et un maximum de 80 cm. Un peu plus profond, si vous êtes à 1000 mètres d’altitude ou plus. 


    À Larrivoire, à 720 mètres d’altitude, l'hiver, il n’y a rarement plus de 10 cm d’épaisseur de glace, donc une profondeur de 60 cm est largement suffisante. Il faut bien sûr que la mare soit parfaitement étanche, sinon vous risquez d’avoir une désagréable surprise lors de la fonte au printemps !


    L’étanchéité

    Le béton

    Le béton permet une meilleure accroche de la végétation qu’une bâche synthétique, de la sorte il s’intègre mieux à l’environnement. C’est ce que je m’étais dit lors de la construction de notre mare, mais j’ai constaté après coup que c’était une erreur.

    Appliquer du béton au fond de la mare pour assurer l’étanchéité est une mauvaise idée pour trois raisons :

    - L’empreinte carbone du béton est très importante.

    - Le béton n’est pas étanche sur le long terme. Le terrain bouge en permanence et invariablement des fissures vont apparaitre rendant l’étanchéité aléatoire. Pour garantir l’étanchéité, il faudrait la réaliser en béton armé très épais, ce qui poserait encore plus de problèmes environnementaux, augmenterait le coût et rendrait en cas de besoin sa suppression très problématique.

    - Cela demande un travail important pour la mise en place, surtout si votre mare est grande.


    Les bâches synthétiques

    C’est sur quoi je me suis rabattu après avoir constaté l’échec du béton. Comme je ne l’avais pas armé, j’ai pu le casser assez facilement à la barre à mine.

    Le principal inconvénient des bâches synthétiques est leur très vilaine esthétique associée au fait que la végétation ne peut s’accrocher dessus. Il faut donc obligatoirement recouvrir complètement les parties visibles avec de la végétation, ce qui n’est pas forcément simple au départ.

    L’avantage est la facilité de mise en place et la bonne étanchéité, voir la suite de l’article.

    Pour ma part, j’ai utilisé une bâche de type EPDM d’un millimètre d’épaisseur, très résistante. Il faut compter environ 8 € / m². Il faut au préalable placer une couche de géotextile pour protéger la bâche des perforations, comptez 2 à 3 € / m². Un caoutchouc EPDM est un élastomère particulier, EPDM signifie éthylène-propylène-diène monomère.


    Je vous recommande de ne pas utiliser de colle, cela représente un coût totalement inutile et c’est problématique pour l’environnement. Il faut juste prévoir une bâche un peu plus grande que la surface de la mare, de manière à pouvoir la faire tenir par ses bords.


    La marne

    Si vous disposez de marne en quantité, vous pouvez l’utiliser pour réaliser l’étanchéité de votre mare.

    Avantage, vous avez une mare totalement naturelle où les végétaux vont pouvoir se développer très facilement.

    Inconvénients, l’eau sera toujours trouble et vous ne pourrez pas observer les poissons. Il faut également placer une épaisseur importante de marne, au minimum 10 cm d’épaisseur. Car il ne faut pas oublier qu’avec l’évaporation, le niveau d’eau varie de manière importante et la marne va alors se rétracter par endroit causant des pertes d’étanchéité.

     

    Réalisation technique de la mare, cas d’une bâche EPDM

    Le terrassement

    C’est de loin le plus gros du travail, sauf si vous avez la chance de disposer d’un sol limoneux profond. En ce qui me concerne j’ai dû enlever de gros blocs calcaires à la barre à mine et une fois à 60 cm de profondeur je suis tombé sur la dalle calcaire, impossible de creuser davantage. Mais cette profondeur s’est révélée suffisante.


    Il faut faire en sorte que les bords ne soient pas trop abrupts et qu’il y ait le moins d’aspérités possible au sol.


    Mise en place d’un géotextile

    Pour éviter que la bâche EPDM ne soit percée par des pierres ou des racines, il faut en premier lieu disposer un géotextile sur le sol.


    Mise en place de la bâche EPDM

    Placez la bâche sur le géotextile. Les bords doivent être recouverts, au moins partiellement, de la sorte il sera plus facile de la bloquer avec des matériaux, pierres et terre.


    Disposition des caches pour les poissons et des bacs pour les plantes

    Placez au fond de nombreuses caches pour les poissons, cela évite qu’ils ne stressent trop en cas de dérangement. 

    Placez des bacs en bois ou des pots de fleurs remplis de terre dans lesquels vous pourrez placer vos plantes, scirpes, carex, nénuphars, myriophylle, etc. Surtout ne pas mettre de joncs, leurs racines perceraient la bâche.


    Mettez la mare en eau

    Au bout de quelques semaines, l’eau va être colonisée par des algues et autres microorganismes et va prendre une belle couleur verte.

    Il est possible de mettre en place une pompe solaire avec un filtre à sable pour maintenir une eau claire. C’est un choix, cela permet de mieux voir les poissons, mais cela fait moins naturel et génère un son permanent dans la masse d’eau. Même avec une eau verte, on voit les poissons en surface, de plus quand la température diminue les algues régressent et l’eau devient transparente. Personnellement, j’ai fait le choix de ne pas en mettre.

    Vous pouvez aussi utiliser une pompe solaire associée à un jet d'eau pour oxygéner l'eau.


    Gestion de la mare à long terme

    La mare va récupérer beaucoup de feuilles d’arbres et autres débris de plantes qui à terme vont envaser votre mare. Il faut donc prévoir de la vider et d’évacuer la vase. La fréquence va dépendre de la taille de votre mare. Avec une mare de trois mètres par deux, je réalisais un nettoyage tous les 5 ans et c’était largement suffisant. Aujourd’hui, la mare fait cinq mètres par trois, je pense ne faire qu’un nettoyage partiel tous les dix ans en siphonnant simplement le fond, sans la vider.

    Si le volume de votre mare est suffisant, vous n’aurez jamais besoin de remettre d’eau l’été. Cependant, si le volume est trop faible, l’été, il faudra surveiller la température de l’eau et remettre une centaine de litres d’eau froide sous pression par semaine pour réoxygéner l’eau. La température de l’eau ne doit pas dépasser les 26°C, 28°C au maximum. Si vous constatez que les poissons réalisent de petits sauts hors de l’eau, ou bien qu’ils ventilent à la surface, c’est qu’il y a un manque d’oxygène.

    C’est ce que j’étais obligé de faire avec la première mare qui avait un volume de 2,5 mètres cubes environ. Avec la nouvelle mare qui fait 8 mètres cubes, je n’ai plus besoin d’ajouter de l’eau l’été. A vérifier cependant en cas de très forte canicule.


    A contrario, l’hiver, les températures très basses proches de zéro degré ne leur posent pas de problème, les poissons peuvent rester plusieurs mois dans l’obscurité sous la glace et la neige quand la température de l’eau est très basse.


    Anecdote

    Il nous est déjà arrivé deux fois qu’une semaine après le désenvasement de la mare, l’eau devienne rouge sang !

    Après observation de l’eau au microscope, j’ai pu constater que la couleur était due à une algue rouge. En temps normal, cette algue rouge est toujours présente, mais elle est largement minoritaire par rapport aux algues vertes, l’eau est donc verte. Après un nettoyage, en repartant à zéro, l’algue rouge doit avoir une vitesse de multiplication plus importante que les algues vertes et a ainsi colonisé l’ensemble de la masse d’eau avant les algues vertes ! Ensuite, les algues vertes devant être plus compétitives reprennent peu à peu leur place.

    Du moins, c’est l’hypothèse que je fais. Si certains d’entre vous ont déjà constaté le même phénomène ou ont d’autres hypothèses à proposer, merci de me l’indiquer.

    Je pense que l’algue rouge est Haematococcus pluvialis, si des spécialistes peuvent confirmer ?

    L’algue rouge Haematococcus pluvialis vue au microscope


    La première mare en béton après une réparation des fissures au silicone
    Terrassement lors de l'agrandissement de la mare
    Mise en place du géotextile au fond de la mare
    Mise en place de la bâche EPDM et des caches à poissons au fond de la mare
    La nouvelle mare juste après l'agrandissement
    La nouvelle mare un an après
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