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Thierry Pernot
08/01/2021
Connaitre le sol de son potager
Optimiser le rendement de votre sol tout en conservant une biodiversité importante
N° article : 88
  1. Potager en strates verticales pour maintenir l'humidité<br>Aneth, tomates cerises, côtes de bettes rouges, haricot vert et salade

    Connaitre le sol de son potager


    L’objectif de cet article est de comprendre la manière dont le sol se structure, et de connaitre ses constituants minéraux, organiques et biologiques. Cela de manière à faire en sorte que le sol de votre potager soit le plus productif possible tout en préservant sa biodiversité.


    La terre, une substance rare et précieuse

    La première chose à avoir en tête est que contrairement à ce que l’on pourrait penser, la terre cultivable est une substance rare et donc précieuse.

    La croute terrestre sur laquelle nous reposons et qui « flotte » sur le magma sous-jacent a une épaisseur moyenne d’environ 35 km au niveau des continents. Cette croute est constituée de roches. Lorsque nous parlons de sol au sens pédologique du terme, ou plus simplement de terre, nous parlons en fait uniquement de la couche superficielle de cette croute. Le sol a une épaisseur comprise entre 0 et un mètre en moyenne, l’épaisseur peut atteindre deux mètres ou un peu plus dans des cas particuliers.

    Cette couche de sol est donc extrêmement fine et n’est pas présente partout.

    Suivant le climat, il faut plusieurs siècles à plusieurs millénaires pour former un sol, leur conservation s’avère être un enjeu primordial.

    Comme la géologie est la science des roches, la pédologie est la science des sols.


    Comment se forme le sol ?

    Le sol est le résultat de l’action du climat et des organismes vivants sur la roche. On dit que l’altération progressive de la roche va former le sol.


    Qu’est-ce qui différencie la roche du sol ?

    Contrairement à la roche, le sol est une entité vivante, la présence d’oxygène en son sein permet le développement d’une multitude d’organismes.


    Quels sont les facteurs qui agissent sur la formation des sols ?

    - Le type de roche

    En premier, il faut citer le type de roche sur lequel le sol va se former.

    Suivant que la roche est volcanique, sédimentaire, granitique et suivant sa fracturation, le sol qui en résultera sera différent.


    - Le climat

    La température est un paramètre important, plus elle est élevée et plus les phénomènes physico-chimiques et biologiques sont rapides, ce qui accélère la décomposition de la matière organique.

    De même, les variations de température et en particulier les périodes de gel entrainent une fracturation de la roche par gélifraction.

    La pluviosité est un autre paramètre important, avec une pluviosité trop faible les organismes ne peuvent se développer. Une pluviosité trop importante aura deux conséquences :

    - un phénomène d’anoxie (manque d’oxygène) peut se produire si l’eau ne peut être évacuée.

    - un lessivage du sol si l’eau circule, entrainant alors une partie des constituants et produisant un appauvrissement du sol.

    Il faut ajouter que l’eau de pluie qui contient du gaz carbonique dissous est légèrement acide. Elle a donc la capacité de dissoudre les roches calcaires.


    CaCO3 + CO2 + H2O => Ca2+ + 2HCO3-


    Cette réaction chimique montre bien que le CO2 combiné à l’eau forme un acide qui à la particularité de casser la molécule de carbonate de calcium (CACO3) et de libérer le calcium (Ca2+).


    - La topographie

    La position topographique du sol va justement conditionner les paramètres liés au climat dont nous venons de parler. Un sol le long d’une pente sera peu profond, car plus facilement lessivé et érodé. A contrario, un sol en fond de vallon sera très profond, car il accumulera le substrat érodé des versants. 

     

    - Le régime hydrique

    De ces trois paramètres (roche mère, climat, topographie) va dépendre le régime hydrique du sol. C’est-à-dire la manière dont l’eau circule dans le sol. Il faut comprendre qu’une eau stagnante entraine un déficit en oxygène et qu’une eau en mouvement va déplacer certains éléments chimiques du sol.


    - La végétation

    À même la roche, des végétaux pionniers comme les lichens vont s’installer. Plus le sol sera évolué et plus le nombre de végétaux qui pourra s’installer sera important. Ces végétaux vont avoir un impact sur le sol : leurs racines vont s’insinuer dans les fractures de la roche ce qui accélèrera son délitement. Une fois morts, les végétaux vont alimenter le sol en matière organique ce qui va modifier progressivement sa composition. La couche superficielle du sol riche en matière organique se nomme humus.

    Tant que le sol n’est pas protégé par une couche végétale, les phénomènes d’érosion limitent son évolution et son épaississement.

    Comme nous l’avons vu, le temps de formation d’un sol est très important, et il faut une bonne stabilité des différents paramètres durant une longue période pour que le sol puisse se former.

    Quand les bonnes conditions sont réunies, la profondeur du sol s’accroit et le sol se structure. Si l’on procède à une coupe du sol, une tranchée par exemple, on visualisera sur un axe vertical différentes zones empilées de couleur ou de texture différentes. Ces zones sont appelées des horizons pédologiques.


    - La faune du sol

    Le sol va progressivement accueillir une faune qui aura pour principal rôle de permettre et d’accélérer la décomposition de la matière organique en éléments minéraux, mais également de remuer et d’aérer le sol. Cette faune est constituée de bactéries, de champignons, d’acariens, de collemboles, d’insectes, d’araignées, de crustacés, de myriapodes, de ver de terre, de taupes, de rongeurs, etc.


    - L’homme

    Il nous reste un facteur important à aborder, celui de l’impact de l’activité de l’homme sur le sol. Par son travail du sol, l’homme va modifier certains paramètres. Nous étudierons l’impact de ses activités sur le sol en fin de ce document. Dans un premier temps, nous devons d’abord étudier rapidement les constituants du sol.


    Granulométrie du sol

    Comme nous l’avons déjà vu, le sol résulte de la dégradation de la roche mère à laquelle s’ajoute un apport de matière organique produit par la végétation et la faune qui s’y développe. Il peut également y avoir des apports de type éolien ou alluvial dans des cas particuliers.

    À ce stade, nous pouvons dire que la formation d’un sol est un phénomène dynamique lent qui résulte de l’interaction de nombreux paramètres. Le sol est un écosystème à part entière.


    Une première approche consiste à analyser les constituants du sol en fonction de leur taille.

    Les argiles (< 2 microns)

    Les limons (de 2 à 50 microns)

    Les sables (de 50 microns à 2 mm)

    Les graviers (> 2 mm)


    Avantages et inconvénients de ces différents éléments

    Les graviers facilitent l’aération du sol, mais peuvent être des obstacles aux racines s’ils sont trop gros ou trop nombreux.

    Les sables sont peu fertiles et retiennent peu l’eau, mais ils facilitent la pénétration des racines.

    Les limons sont fertiles, mais facilement érodables par l’eau, une fois compactés, ils mettent un temps important à retrouver une structure aérée.

    Les argiles sont très fertiles et permettent une bonne rétention de l’eau. En excès, elles provoquent un compactage du sol lors de son travail et un manque d’aération, mais contrairement au limon, en leur présence la structure du sol se reforme naturellement plus rapidement.


    Le pourcentage respectif de sables, limons et argiles définit la texture du sol. Cette texture est importante, car elle conditionne la disponibilité des éléments nutritifs du sol. Une fois en possession du pourcentage respectif de ces trois éléments et à l’aide du « Triangle des textures », dont nous reparlerons dans un autre article, vous pouvez déterminer votre type de sol.


    Techniquement, pour réaliser une analyse granulométrique de votre sol, vous pouvez utiliser la méthode par sédimentation

    Voir l’article détaillé pour la réalisation pratique. Non disponible pour le moment.


    Si vous ne souhaitez pas réaliser une analyse granulométrique détaillée, vous pouvez utiliser les petites astuces suivantes :

    En malaxant de la terre dans vos mains, sans prendre de graviers :

    - Si vous ressentez des zones dures et roulantes, cela témoigne d’une proportion importante de sable.

    - Si vous pouvez réaliser une boule, comme vous le feriez avec de la pâte à modeler, c’est que votre sol contient beaucoup d’argile.


    Les constituants du sol

    Le sol est constitué des éléments suivants :

    - Des minéraux primaires qui proviennent directement de la désagrégation de la roche (silicates, carbonates, minéraux argileux)

    - Des minéraux secondaires (Oxydes de fer, argiles de dissolution)

    - De la matière organique provenant de la flore et de la faune du sol

    - Différents éléments chimiques sous forme d’ions fixés aux argiles et redistribuables.

    - De l’air et donc de l’oxygène dans les pores du sol.

    - De l’eau qui circule dans les pores et dans laquelle sont dissous de nombreux éléments chimiques.

    - Les organismes vivants de la flore et de la faune.


    Le sol en culture

    Le sol est un écosystème qui vit et évolue. C’est dans le sol que les plantes peuvent puiser l’eau et les éléments nécessaires à leur croissance. 

    Les éléments essentiels sont l’azote, le phosphore, le soufre, le potassium, le magnésium et le calcium. Il faut ajouter à ceux-ci de nombreux oligoéléments comme le manganèse, le cuivre, le zinc, le fer, le bore, le molybdène, etc.


    Jusqu’à récemment, le sol a été considéré comme un simple substrat. Pour cultiver le sol, il suffisait d’ajouter des engrais pour maintenir un bon niveau d’éléments nutritifs, d’arroser, de bien travailler la terre pour l’aérer, d’appliquer des herbicides pour éradiquer les mauvaises herbes et des insecticides pour se débarrasser des nuisibles. Il faut alors utiliser des plants qui résistent à ces traitements, la chaine est bouclée et les agriculteurs se retrouvent pris dans une spirale financière mortifère.

    Cette technique se révèle aujourd’hui catastrophique d'un point de vue environnemental et économique. Le coût des engrais et des pesticides devient de plus en plus important, les sols perdent leur structure et s’érodent davantage, la biodiversité disparait et les hommes tombent malades.

    Tout cela simplement parce que l’on n’a pas pris en compte le fait que le sol est un élément vivant et qu’il vaut mieux travailler avec lui que contre lui.


    Bien sûr, la problématique n’est pas tout à fait la même pour un particulier qui gère un potager de 50 mètres carrés et un agriculteur qui travaille sur des dizaines d’hectares, mais cela révèle d’ailleurs qu’une partie du problème provient de l’extrême concentration de l’agriculture : le nombre d’exploitants agricoles en France est passé de 10 à 1 million entre 1945 et aujourd’hui !


    Dans la suite de l’article, je ne parlerai que d’agriculture à l’échelle des particuliers.


    Comment gérer le sol de son potager au mieux ?

    Si je prends l’exemple de mon potager que je cultive depuis 20 ans, je peux déjà tirer les leçons suivantes :


    - Les produits phytosanitaires

    Je n’ai jamais utilisé d’herbicides ni d’insecticides et cela n’a jamais posé de problèmes. Il est donc clair que l’utilisation de ces produits dangereux pour l’homme et pour la faune est totalement inutile dans le cadre d’une utilisation familiale.

    Pour limiter les problèmes d’attaque de nuisibles, je pratique une rotation systématique des cultures et en même temps un mélange des différents légumes. Je laisse pousser également différentes plantes aromatiques, sauvages ou ornementales à différents points du potager (bourrache, coquelicot, camomille, aneth, menthe, thym, ciboulette, persil, estragon, romarin, sauge, etc.).

    Le fait de conserver en permanence une bonne activité biologique au niveau du sol et une bonne biodiversité générale sur l’ensemble du jardin limite les risques au maximum. Il y a régulièrement de petits problèmes, mais cela ne touche que quelques pour cent de la récolte, c’est sans conséquence.


    - Les engrais chimiques 

    Je n’ai jamais utilisé d’engrais chimique. Pour tester la capacité du sol à fournir des éléments nutritifs dans le temps, j’ai même fait le test, de n’apporter aucun amendement. Dans ce cas, j’ai pu constater que le rendement était resté à peu près constant pendant 5 ans avant de chuter. J’ai donc dû procéder à des apports de fumier.

    À l’automne, j’ai pris l’habitude de recouvrir le sol de feuilles mortes que je récupère sous mes arbres (Tilleul, frêne, charme). Cela évite que le sol soit nu, maintient une bonne activité biologique et permet un apport progressif d’éléments nutritifs. 

    L’utilisation d’engrais chimiques se révèle donc totalement inutile dans le cadre d’un potager familial.


    - Le travail du sol

    Avant je bêchais une fois par an, à l’automne ou au printemps. Le bêchage permet une bonne aération du sol et permet surtout de se débarrasser des racines qui proviennent de différentes plantes en périphérie du jardin (orties, pruniers, sauge, menthe, ceraiste, etc.) et qui finissent par l’envahir. Le problème est que le bêchage détruit la structure du sol et fait remonter à chaque fois de nombreux cailloux arrachés à la roche mère sous-jacente. Le bêchage a donc tendance à limiter l’activité biologique du sol. 


    Je travaille maintenant à la griffe, ce qui permet de se débarrasser des herbes envahissantes et des racines sans détruire les horizons du sol et sans remonter les cailloux, et c’est moins fatigant ! Si l’activité biologique est bonne et suffisante, le sol reste meuble même sans bêcher.


    - Gestion de la compétition avec les adventices ou « les mauvaises herbes »

    La compétition entre les plantes cultivées et les adventices ne pose un problème qu’au moment du semis, le temps que la plante cultivée se développe. Il faut donc dégager les plantes cultivées le temps qu’elles prennent une avance suffisante sur les adventices. Ensuite, les adventices ne sont pas forcément gênantes, au contraire même, en recouvrant le sol elle conserve l’humidité et l’activité biologique.


    Pour cela, il faut sélectionner les adventices intéressantes et élimer les autres.

    Les adventices que je considère intéressantes, sont celles qui recouvrent largement le sol, mais qui possèdent des racines superficielles et faciles à arracher.

    Par exemple, le mouron des oiseaux (Stellaria media), la véronique de Perse (Veronica persica), le pourpier potager (Portulaca oleracea) vont recouvrir le sol et empêcher les autres adventices de se développer et elles ne gênent absolument pas les plantes cultivées. 

    A contrario les orties (Urtica dioica), les renoncules rampantes (Ranunculus repens), le ceraiste des champs (Cerastium arvense), l’herbe aux goutteux (Aegopodium podagraria), mais également les plantes qui prennent trop d’ampleur comme le chénopode blanc (Chenopodium album), les amarantes (Amaranthus hybridus), les cirses (Cirsium arvenses) sont à éviter. On évitera également les différentes espèces de graminées dont le système racinaire est extrêmement compétitif.


    - La gestion de l’eau

    Le réchauffement climatique aidant, les périodes de sécheresse et de restriction d’eau sont de plus en plus fréquentes. Même si les cultures potagères, étant donné qu’elles sont vivrières, ne sont pas concernées par les restrictions d’eau, il faut faire en sorte de limiter l’utilisation de l’eau du réseau.


    Pour cela, j’utilise les méthodes suivantes :

    - Recouvrement naturel du sol par des adventices sélectionnées

    - Paillage en cas de période sèche.

    - Culture en mélange dense avec différentes strates verticales qui se font mutuellement de l’ombre. Exemple : aneth, tomates cerises, côtes de bettes rouges, haricots verts, salades.

    - J’utilise la technique du binage, comme le dit le proverbe, un binage vaut mieux que deux arrosages ! En ameublissant le sol à la base des plants cultivés, on évite le ruissellement et on favorise donc l’absorption de l’eau.

    - J’utilise une réserve d’eau de pluie pour arroser.


    Voilà, nous avons terminé notre petit tour d’horizon concernant le sol du potager, si vous utilisez d’autres techniques intéressantes, merci de nous en faire part en commentaires.


    Sol du potager recouvert de feuilles mortes pour maintenir l'activité biologique et réaliser un apport d'éléments nutritifs
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