Le monde des tourbières et des marais

Auteurs : ouvrage collectif sous la direction d’Olivier Manneville

(Virginie Vergne, Olivier Villepoux, Frédéric Blanchard, Katrin Bremer, Nicolas Dupieux, Elisabeth Feldmeyer-Christe, André-Jean Francez, Jean-Marc Hervio, Philippe Julve, Arlette Laplace-Dolonde, Désiré Paelinckx, René Schumacker)

Année de sortie : 1999

Éditeur : Delachaux et Niestlé (Collection : la bibliothèque du naturaliste)

Format : 158 x 232 x 27 mm  320 pages

Prix : 41 € 

Considérées comme des zones improductives, les tourbières ont été pendant longtemps soit exploitées pour la tourbe, soit asséchées en vue d’en faire des terres agricoles. La tourbe est un combustible de mauvaise qualité et les tentatives de transformation du sol pour la culture se sont souvent soldées par des échecs. Quand on connait l’originalité et la richesse écologique de ces milieux, on ne peut que regretter que 90% de ces écosystèmes aient été détruits en France.

Ce livre remarquable propose une synthèse complète sur l’écosystème « tourbière ».

Première partie : Paysages de tourbière

Ce chapitre, accompagné de photographies, présente les grands types de marais de manière concrète à l’aide d’un site type pris en exemple :

- Les landes tourbeuses

- Les grands marais tourbeux de plaine ou de bordure des lacs périalpins

- Les lacs-tourbières

- Les tourbières bombées ou semi-bombées

- Les tourbières de pentes et de sources

- D’autres types de tourbières comme : les tourbières dérivées de palses, les marais tourbeux arrière-littoraux et les pannes, les tourbières et marais tourbeux de haute montagne, les bois tourbeux.

Ce chapitre permet d’embrasser rapidement toute la diversité des milieux tourbeux.

Deuxième partie : Origines, évolutions, classification et répartition des tourbières

Une carte nous indique la répartition et la densité des tourbières dans le monde. Sur cette carte on peut constater qu’en France, excepté la zone méditerranéenne, les tourbières représentent 0,5 % à 10 % de la superficie du territoire. L’Angleterre, la Scandinavie et le nord de la Russie ainsi qu’une partie du Canada sont dans la tranche « plus de 10% » de la surface au sol. 

Cette partie propose les sections suivantes :

- Les conditions d’apparition des tourbières

Ce paragraphe nous montre l’importance de la topographie en lien avec la circulation hydrique dans la formation des tourbières, ainsi que l’importance du climat, et en particulier la température et les précipitations. 

- La tourbe ou les tourbes

La tourbe est un dépôt sédimentaire carboné peu consolidé, mais il est également possible de la définir plus dynamiquement comme étant un sol organique gorgé d’eau supportant une végétation particulière responsable de la formation de la tourbe. 

Les auteurs indiquent que le terme de « tourbe » tend actuellement à être remplacé par le terme pédologique « d’histosol », signifiant « sol tourbeux ».

Dans une tourbière, l’épaisseur de tourbe peut varier de quelques décimètres à plusieurs mètres, avec des records aux alentours de 30 mètres. 

La vitesse de formation est très variable suivant les sites : de 1 à 10 mètres d’accumulation en 10 000 ans, soit 0,1 à 1 millimètre par an. Cette vitesse de formation très lente devrait nous interpeller, elle nous indique qu’à notre échelle de temps il n’y a pas de régénération possible, une protection des tourbières est impérative.

Les auteurs définissent ensuite les trois types de tourbe : blonde, brune et noire.

Ils indiquent qu’une fois séchée, la tourbe est un combustible. 

Il y a quelques années, j’avais réalisé une enquête sur l’exploitation de la tourbe sur le secteur de Mignovillard, Censeau, Bief-du-Fourg, Frasne. J’avais interrogé les anciens qui l’exploitaient. Certaines tourbières, comme celle de Bief-du-Fourg, étaient exploitées sur un front de coupe, alors que d’autres, comme la Seigne des Barbouillons à Mignovillard avaient été partagées aux habitants, à la manière d’un affouage. J’avais d’ailleurs retrouvé le document administratif faisant foi pour ce partage.

- Les diverses situations géomorphologiques favorables à la naissance des tourbières

Dans ce chapitre, les auteurs décrivent de manière détaillée les diverses conformations topographiques qui peuvent produire des tourbières.

- L’évolution des tourbières au cours des siècles et des millénaires

Les auteurs nous montrent comment la végétation des tourbières ainsi que les différents paramètres locaux évoluent au cours du temps.

- La classification des tourbières

Les tourbières se répartissent en deux grandes catégories : les bas marais et marais-plat et les tourbières bombées et hauts marais.

Dans chaque catégorie, différents types sont définis suivant leur fonctionnement hydrologique.

- La répartition des milieux tourbeux en Europe et dans le monde

Une belle carte d’Europe en couleur nous précise la répartition des différents types de tourbières en Europe.

Troisième partie : La vie dans les tourbières

Les auteurs commencent par nous rappeler les conditions de vie difficile qui règnent sur les tourbières. Ils définissent ensuite la végétation type des tourbières de manière générale, puis vont approfondir en passant en revue les différents types de tourbières.

Les auteurs abordent : les bactéries, les algues, les champignons, les lichens, les bryophytes (en particulier les sphaignes), les fougères, les plantes aquatiques, les plantes insectivores, puis toutes les dicotylédones et enfin les monocotylédones (en particulier les carex très présents). Les arbres et arbustes sont traités à part.

Un chapitre est dédié à l’analyse des groupements végétaux suivant les différents types de tourbières.

Le chapitre suivant nous parle de la faune des tourbières : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, araignées, libellules, papillons, diptères, orthoptères.

Quatrième partie : les tourbières, archives des paysages végétaux, du climat et de l’action humaine

L’analyse palynologique de la tourbe (les grains de pollens et spores) mais aussi l'analyse des graines, algues, aiguilles de conifères et animaux fossilisés nous montre que cette dernière est comme un livre révélant l’histoire passée de la végétation, chaque microcouche en constitue une page qu’il suffit de lire au microscope.

Les tourbières sont les archives des végétations passées.

Ces analyses associées à des datations au carbone 14 permettent de reconstituer la végétation au cours des siècles et ainsi de déterminer les climats anciens.

Les auteurs nous parleront également de l’impact de l’homme sur cette évolution.

Cinquième partie : activités humaines et tourbières

Cette partie commence par une carte de France des appellatifs et microtoponymes liés aux tourbières et marais. Cette carte est très intéressante, les différents noms sont regroupés suivant trois racines principales : 

- Le celtique « gwann » qui donnera : yeun, yun, geun, gwan, goan, gâne, ganne, ganas, gana.

- le germanique « fani » qui donnera : fange, fank, fagne, fenn, venn, veen, ven, faigne, faing, feing, phény, fonie, fangas, fangassou, fanguié.

- le gaulois « sagna » qui donnera : seigne, sagnes, sognous, saignes, sanha, sogne, sagna. La Franche-Comté étant dans cette zone d’influence, comme nous l’avons vu avec la « Seigne des Barbouillons » à Mignovillard.

De la même manière, une autre carte présente les termes associés aux milieux annexes (plans d’eau, landes, marais tourbeux).

Un chapitre est ensuite dédié à la place des marais et tourbières dans le sacré, l’imaginaire et la littérature.

Vient ensuite un chapitre consacré à l’utilisation des tourbières dans les sociétés rurales traditionnelles, puis un autre, qui détaille l’exploitation de la tourbe et ses conséquences.

Cette partie se termine avec une synthèse des causes de dégradations et de destruction des sites tourbeux, des procédures et techniques mises en place pour leur conservation, ainsi que les manières de valoriser culturellement et éducativement ces milieux remarquables.

Sixième partie : guide des tourbières de Belgique, France, Luxembourg et Suisse

Pays par pays et région par région, cette partie vous liste toutes les tourbières dignes d’intérêt. Un bon index pour ceux qui souhaitent les découvrir sur le terrain. Pas moins de 200 sites sont répertoriés !

Annexes

Cycle du carbone dans les tourbières à sphaignes.

Dynamique de la végétation dans les grands marais de plaine.

Dynamique de la végétation dans les complexes de landes tourbeuses et tourbières atlantiques.

Dynamique de la végétation dans les tourbières bombées et les bas marais de moyennes montagnes.

Dynamique et diversité de la végétation des tourbières et milieux adjacents de haute montagne (étage subalpin et alpin).

Tableau terminologique et équivalences Français – Allemand – Anglais.

Directive européenne de 1992 concernant les habitats et espèces.

Odonates et papillons des tourbières protégées ou d’intérêt patrimonial.

Plantes supérieures des milieux tourbeux protégés dans les quatre pays.

Tableau récapitulatif de la systématique, de la nomenclature et de l’écologie des sphaignes présentes en Belgique, France, Luxembourg et Suisse.

Bilan de la protection des tourbières et marais (1999).

Associations, organismes et adresses utiles.

Synthèse générale entre les paysages, la géomorphologie, la biogéographie et les types de végétation des tourbières.

Index des noms de sites.

Conclusion

Ce livre s’adresse à tous ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur ces milieux captivants que sont les tourbières. Il ne s’agit pas d’un livre superficiel, mais d’une synthèse complète écrite par des scientifiques renommés et qui vous plongera dans ce monde passionnant : le monde des tourbières et des marais.

Une belle réussite.