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Thierry Pernot
10/03/2021
Les poissons d'eau douce de France
Classification, biogéographie, écologie, gestion et identification de toutes les espèces
N° article : 125
  1. Couverture du livre Les poissons d'eau douce de France<br>aux éditions Biotope<br>Muséum d'histoire naturelle<br>L'épinoche

    Les poissons d’eau douce de France


    Ouvrage collégial, coordinateurs : Philippe Keith, Henri Persat, Eric Feunteun, Jean Allardi.

    Année de sortie : 2011

    Éditeur : Biotope éditions, publications scientifiques du Muséum.

    Format : 166 x 240 x 28 mm   552 pages

    Prix : 45 € 


    « Les poissons d’eau douce de France » est un ouvrage collégial d’une grande richesse, il présente l’ensemble des espèces de poissons d’eau douce de France, qu’elles soient indigènes ou introduites. Cela représente une centaine d’espèces !


    Ce livre est une véritable bible des poissons d’eau douce. C’est l’aboutissement d’un travail qui a débuté en 1983 dans le cadre d’un DEA, qui a ensuite pris la forme de « L’atlas préliminaire de 1991 » pour s’enrichir avec « L’atlas de 2001 » et arriver à cette version de 2011 très complète, mais ce n’est pas la dernière, la version 2021 vient de sortir et elle fait 703 pages !


    Introduction

    Les auteurs rappellent qu’en 1990, les poissons ne bénéficiaient d’aucun bilan de répartition géographique ! Le milieu aquatique est en effet plus difficile d’accès que le milieu terrestre. Ne dit-on pas que l’on connait davantage la surface de la lune que celle du fond des océans. Même si les eaux douces sont bien moins profondes que les océans, l’analyse de leur faune reste difficile.

    À la suite de ce constat, de nombreux projets d’analyse de la répartition des poissons d’eau douce vont voir le jour. Les données vont alors s’accumuler, pour atteindre 310 000 données validées pour 21 000 stations d’inventaires, un travail colossal. Ce livre en présente la synthèse.


    Chapitre 1 : Mais où sont passés les poissons ?

    Ce chapitre va tenter de nous démontrer que le concept de « poisson » n’a plus sa place dans la classification phylogénique moderne des organismes !


    Ce chapitre est complexe, je vous rassure, c’est le seul du livre à l’être. 

    L’auteur de ce chapitre, Guillaume Lecointre, nous montre que la classification traditionnelle est faussée par notre vision anthropocentrique. Je cite : « La classification doit terminer sa révolution copernicienne ».


    Je vais essayer de vous résumer la pensée de l’auteur sur ce point. Si les considérations sur la manière dont la classification est élaborée ne vous enchantent pas, vous pouvez sauter ce paragraphe.


    L’auteur montre que par diverses confusions, mélange de plusieurs « cahiers des charges », la classification présente des groupes qui ne sont pas monophylétiques, c’est-à-dire qu’ils ne respectent pas le cahier des charges proposé par Darwin.

    La phylogénie n’existant pas à l’époque, Darwin utilisait le terme de généalogie. L’auteur indique que les biologistes ont mélangé les notions de descendances (ancêtres à descendants) avec des relations de parenté, « qui est plus proche de qui ». 


    On retrouve ici les controverses entre les cladistes (un clade est un ensemble d’organismes qui regroupe un ancêtre avec l’intégralité de ces descendants, un clade est donc un groupe monophylétique), et les évolutionnistes. Ces derniers, en plus de prendre en compte l’aspect « généalogique » ajoutent d’autres facteurs de regroupement comme la distance phénotypique, c’est-à-dire « qui ressemble le plus à qui » au niveau de leur plan d’organisation. Ceci conduit à former des groupes non monophylétiques, on parle de groupes paraphylétiques que l’on nomme plus simplement « grades » en opposition aux « clades ».


    Il faut arrêter de représenter la classification par un arbre constitué d’un tronc et où l’homme se trouve à la cime. 


    L’évolution serait mieux représentée par un immense buisson où le nombre de ramifications est très important. Comme la terre n’est qu’un point insignifiant perdue dans l’univers, l’homme n’est qu’un organisme parmi d’autres sur une des branches du buisson de la vie. 


    Darwin expliquait très bien dans « L’origine des espèces » que ce qui compte pour établir la classification c’est la généalogie qui lie les êtres vivants et non leur ressemblance. Il peut très bien y avoir eu des phénomènes de convergences qui amènent des organismes venant d’origines très différentes à se ressembler et de même en sens inverse avec les phénomènes de réversions.

    On peut alors dire que les classifications évolutionnistes trahissent la pensée de Darwin.


    Le problème est qu’il n’y a pas de registre d’état civil permettant de reconstituer facilement la généalogie du monde vivant. Pour pouvoir le faire, il va falloir observer les ressemblances entre les différents organismes. Et c’est là que l’erreur est introduite. En comparant, il faut faire très attention de ne pas porter de jugement de valeur et de rester sur des faits vérifiables.


    Les notions de sauts adaptatifs et de niveau de complexité reposent sur des jugements de valeur.


    Il faut faire attention à la notion de « plus évolué que ». Cette notion ne trouve un sens que lorsque l’on souhaite mettre l’homme sur un piédestal et vouloir tout comparer par rapport à lui. Mais une planaire qui a la capacité de régénérer une partie entière de son corps, ne devrait-elle pas être considérée comme plus évoluée que l’homme ?


    Les poissons forment le groupe de « ceux qui sont restés dans l’eau » par opposition aux tétrapodes « qui sont sortis de l’eau ». L'auteur explique que « cette sortie de l’eau » est un événement totalement exagéré. À l’apparition des premiers amphibiens, il existait déjà un grand nombre d’organismes terrestres (bactéries, plantes, invertébrés, etc.), de plus il n’y a pas eu « une sortie de l’eau », mais des phases où les organismes contraints de devoir survivre à des assèchements temporaires ont développé de nouveaux attributs permettant progressivement une vie à l’air libre.


    En réalité, il n’y a pas de groupes primitifs, seul un attribut précis peut-être considéré comme primitif. 

    Je cite : « Fonder un taxon sur son devenir est une grave faute logique en science de l’évolution parce qu’aucun devenir n’est inscrit : les organismes vivants ne sont porteurs que de leur passé ».


    C’est le paléontologue allemand Edwin Hennig qui vers 1950 proposera de revenir aux idées originales de Darwin.

    Pour conclure, on peut dire que les grades de la classification évolutionniste sont porteurs de valeurs qui en faussent la représentation, contrairement aux clades de la classification phylogénique qui s’en tiennent à des attributs avérés et vérifiables.


    Dans ce contexte, il est clair que les poissons ne sont pas un clade, mais un grade. Une truite est plus proche de nous qu’un requin. De même, un requin est plus proche de nous qu’une lamproie.


    Comme le disent alors les auteurs, « Peut-on sauver les poissons ? », en proposant un critère écologique : les poissons sont des vertébrés aquatiques.

    Mais alors, les manchots, les baleines, les tortues marines, les phoques, etc. sont aussi des poissons !

    Désolé pour eux, mais les poissons ne représente pas un groupe cohérent dans les classifications phylogéniques modernes.


    Vous l’aurez compris, l'auteur de ce chapitre est un cladiste convaincu.


    Chapitre 2 : Biogéographie et historique de la mise en place des peuplements ichtyologiques de France métropolitaine

    Les auteurs indiquent : « Pour comprendre la répartition actuelle des espèces et la composition des peuplements ichtyologiques, et pour proposer des mesures cohérentes, il convient d’étudier leur évolution et d’appréhender les phénomènes ou les événements qui ont conduit à la situation actuelle ».


    Pour comprendre cela, seront abordées les notions d’isolement géographique et de potentiel de dispersion. Les connexions fluviales et leurs modifications au cours des âges seront étudiées, avec en particulier l’importance de l’impact des glaciers lors des dernières glaciations.


    L’action de l’homme sur l’environnement par la création de canaux et de barrages, mais aussi par des introductions d’espèces va considérablement impacter cette évolution de la répartition des espèces de poissons.


    Les auteurs font le point espèce par espèce des 43 espèces introduites avec certitude en France.


    Chapitre 3 : Écologie des poissons en hydrosystèmes continentaux

    Ce chapitre va aborder différents sujets relatifs à l’écologie des poissons comme leurs différentes stratégies de survie et d’adaptation à la variation des conditions environnementales du milieu aquatique.


    Une deuxième partie traitera de la richesse et de l’organisation spatiale des communautés. Seront abordés les différents paramètres écologiques en les replaçant à leur échelle géographique. Paramètres de niveau continental, régional, du bassin versant, local, etc. 

    Les zonations longitudinale et latérale des cours d’eau seront étudiées. On retrouve ici une partie des travaux du professeur Jean Verneaux de l’université de Besançon, dont j’ai eu la chance de suivre les cours. Ce fut le premier à utiliser l’analyse multifactorielle des correspondances pour analyser les différents facteurs qui régissent la vie dans les cours d’eau. J’en garde un très bon souvenir.


    Chapitre 4 : Gestion des poissons et des hydrosystèmes dulçaquicoles

    Ce chapitre va traiter des impacts anthropiques, surexploitation, fragmentation de l’habitat, pollutions, espèces invasives, mais également du changement climatique en cours.


    Puis les auteurs rappellent que les poissons sont après les amphibiens, les plus menacés d’extinction, les milieux aquatiques étant restreint en surface et très perturbés par les activités humaines.


    Le sujet sera abordé suivant différents axes d’analyses faisant référence aux valeurs patrimoniales, fonctionnelles et économiques que l’on peut attribuer à ces milieux.


    Les auteurs concluent ce paragraphe en précisant que bien que les causes de régression des poissons d’eau douce soient connues depuis longtemps, le coût des mesures de gestion et la lenteur de leur mise en place ne permettent pas pour le moment d’endiguer le problème.


    Vient ensuite un sous-chapitre sur la pêche fluviatile en France.

    Les auteurs précisent que contrairement à la pêche en mer, la pêche en fleuves et rivières demande d’acquitter une redevance individuelle.

    Les différentes pêches sont analysées en séparant la pêche amateur à la ligne ou au filet et la pêche professionnelle, dont les pêcheurs sont les seuls à être autorisés à vendre leurs poissons.


    Un passage traitera ensuite de la place des poissons dans l’évaluation de l’état des cours d’eau par l’intermédiaire de la mise en place « d’indice poisson ».


    Chapitre 5 : Génétique et phylogéographie des poissons d’eau douce de France


    Ce chapitre nous montre ce que peut apporter la génétique à la connaissance des poissons d’eau douce.

    Par exemple, il a été possible de reconstituer les migrations passées de l’ichtyofaune.

    La génétique permet également de descendre en dessous de l’espèce et de distinguer tout un ensemble de sous-espèces.


    Chapitre 6 : Les espèces

    Dans ce chapitre, le lecteur retrouvera une fiche détaillée pour chacune des 100 espèces présentées.

    Une clé d’identification générale agrémentée de schémas permet de déterminer les ordres et familles de poissons. Une page d’introduction décrit chaque ordre et chaque famille.

    Puis, pour chaque famille, une clé plus détaillée permet d’identifier chacune des espèces.


    Chaque fiche présente une description détaillée de l’espèce présentée, des informations sur sa biologie et son écologie, une carte de sa distribution en France, et en Europe, et les menaces qui pèsent sur elle. Pour chaque espèce, une ou plusieurs photographies de qualités sont proposées. Les photographies subaquatiques sont toutes prises en milieu naturel.


    Liste des espèces de poissons d’eau douce présentées :

    Famille des Petromyzontidae

    La lamproie marine (Petromyzon marinus)

    La lamproie de rivière (Lampetra fluviatilis)

    La lamproie de Planer (Lampetra planeri)


    Famille des Acipenseridae

    L’esturgeon européen (Acipenser sturio)

    L’esturgeon du Danube (Acipenser ruthenus)

    L’esturgeon sibérien (Acipenser baerii)


    Famille des Anguillidae

    L’anguille européenne (Anguilla anguilla)


    Famille des Clupeidae

    La grande alose (Alosa alosa)

    L’alose feinte et l’alose feinte du Rhône (Alosa fallax fallax et A. f. rhodanensis)


    Famille des Cyprinidae

    La bouvière (Rhodeus amarus)

    Le goujon commun (Gobio gobio)

    Le goujon occitan (Gobio occitaniae)

    Le goujon d’Auvergne (Gobio alverniae)

    Le goujon de l’Adour (Gobio lozanoi)

    Le goujon d’Ukraine (Romanogobio belingi)

    Le pseudorasbora (Pseudorasbora parva)

    Le barbeau fluviatile (Barbus barbus)

    Le barbeau méridional (Barbus meridionalis)

    Le carassin commun (Carassius carassius)

    Le carassin doré ou poisson rouge (Carassius auratus)

    Le carassin argenté (Carassius gibelio)

    La carpe commune (Cyprinus carpio)

    La brème commune (Abramis brama)

    Le spirlin (Alburnoides bipunctatus)

    L’ablette (Alburnus alburnus)

    L’aspe (Aspius aspius)

    La brème du Danube (Ballerus sapa)

    La brème bordelière (Blicca bjoerkna)

    Le hotu (Chondrostoma nasus)

    La carpe à grosse tête (Hypophthalmichthys nobilis)

    La carpe argentée (Hypophthalmichthys molitrix)

    L’able de Heckel (Leucaspius delineatus)

    Le chevaine (Squalius cephalus)

    Le chevaine catalan (Squalius laietanus)

    L’ide mélanote (Leuciscus idus)

    La vandoise commune (Leuciscus leuciscus)

    La vandoise rostrée (Leuciscus burdigalensis)

    L’épirine lippus (Pachychilon pictum)

    Le toxostome (Parachondrostoma toxostoma)

    Le vairon commun (Phoxinus phoxinus)

    Le vairon du Languedoc-Roussillon (Phoxinus septimaniae)

    Le vairon basque (Phoxinus bigerii)

    La tête de boule (Pimephales promelas)

    Le gardon (Rutilus rutilus)

    Le rotengle (Scardinius erythrophthalmus)

    Le blageon (Telestes souffia)

    La vimbe (Vimba vimba)

    L’amour blanc (Ctenopharyngodon idella)

    La tanche (Tinca tinca)


    Famille des Cobitidae

    La loche épineuse (Cobitis taenia)

    La loche transalpine (Cobitis bilineata)

    La loche d’étang (Misgurnus fossilis)


    Famille des Nemacheilidae

    La loche franche (Barbatula barbatula)


    Famille des Ictaluridae

    Le poisson chat (Ameiurus melas)


    Famille des Siluridae

    Le silure glane (Silurus glanis)


    Famille des Esocidae

    Le brochet (Esox lucius)


    Famille des Umbridae

    L’umbre pygmée (Umbra pygmaea)


    Famille des Osmeridae

    L’éperlan (Osmerus eperlanus)


    Famille des Salmonidae

    Le saumon atlantique (Salmo salar)

    La truite commune (Salmo trutta)

    La truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss)

    L’omble chevalier (Salvelinus umbla)

    L’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis)

    Le cristivomer (Salvelinus namaycush)

    Le huchon (Hucho hucho)

    L’ombre commun (Thymallus thymallus)

    Le corégone (Coregonus lavaretus)


    Famille des Gadidae

    La lote (Lota lota)


    Famille des Atherinidae

    L’athérine (Atherina boyeri)


    Famille des Cyprinodontidae

    L’aphanius d’Espagne (Aphanius iberus)

    L’aphanius de Corse (Aphanius fasciatus)


    Famille des Valenciidae

    Le cyprinodonte de Valence (Valencia hispanica)

    La gambusie (Gambusia holbrooki)


    Famille des Gasterosteidae

    L’épinoche (Gasterosteus gymnurus)

    L’épinochette (Pungitius laevis)


    Famille des Mugilidae

    Le mulet lippu (Chelon labrosus)

    Le mulet doré (Liza aurata)

    Le mulet porc (Liza ramada)

    Le mulet à grosse tête (Mugil cephalus)


    Famille des Percidae

    La grémille (Gymnocephalus cernuus)

    La perche (Perca fluviatilis)

    Le sandre (Sander lucioperca)

    L’apron du Rhône (Zingel asper)


    Famille des Centrarchidae

    Le crapet de roche (Ambloplites rupestris)

    La perche-soleil (Lepomis gibbosus)

    L’achigan à grande bouche ou black-bass (Micropterus salmoides)


    Famille des Blenniidae

    La blennie fluviatile (Salaria fluviatilis)


    Famille des Gobiidae

    Le gobie tacheté (Pomatoschistus microps)

    Le gobie buhotte (Pomatoschistus minutus)

    Le gobie demi_lune (Proterorhinus semilunaris)

    Le gobie de Kessler (Neogobius kessleri)


    Famille des Cottidae 

    Le chabot commun (Cottus gobio)

    Le chabot fluviatile (Cottus perifretum)

    Le chabot de Rhénanie (Cottus rhenanus)

    Le chabot d’Auvergne (Cottus duranii)

    Le chabot du Béarn (Cottus aturi)

    Le chabot des Pyrénées (Cottus hispaniolensis)

    Le chabot de l’Hérault (Cottus rondeleti)

    Le chabot du Lez (Cottus petiti)


    Famille des Pleuronectidae

    Le flet (Platichthys flesus)


    Annexes

    Le livre se termine par un petit glossaire, une importante bibliographie, et un index général.


    Conclusion de la présentation

    Même si certains chapitres peuvent être un peu ardus, l’ouvrage apporte toujours des informations intéressantes. La maquette est excellente, les textes très lisibles. Il manque juste un chapitre sur l’anatomie des poissons qui en ferait une véritable encyclopédie. Bref un livre qui ravira tous les amoureux des cours d’eau.


    livre Les poissons d'eau douce<br>aux éditions Biotope<br>Muséum d'histoire naturelle<br>La truite commune
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