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Thierry Pernot
15/01/2021
La libellule déprimée
Un bolide doué de capacités de vol exceptionnelles
N° article : 91
  1. Mâle de libellule déprimée (Libellula depressa)

    La libellule déprimée (Insectes / Odonates / Anisoptères / Libellulidés / Libellula depressa)


    Je vous rassure tout de suite, cette libellule n’est pas plus déprimée que vous et moi ! Quoique par ces temps de Covid, ce ne soit pas sûr… 

    Son nom ne lui vient pas de son moral, mais de son abdomen qui est aplati et qui apparait donc plus large que les autres libellules. Il faut comprendre « déprimé » dans le sens littéral « d’affaissé ». Le nom espagnol « Libélula de vientre plano » est plus facilement compréhensible !


    Cette libellule est de taille moyenne, 4 à 5 cm de long, elle est donc plus courte que la plupart des autres libellules, mais son large abdomen lui donne une impression de robustesse.

    La libellule déprimée se reconnait facilement à son abdomen aplati, bleu pastel pour le mâle, jaune brunâtre pour la femelle. Pour les deux sexes, des zones jaune vif apparaissent sur les bords de l’abdomen. En vieillissant, l’abdomen du mâle se recouvre d’une sorte de pruine, le bleu pastel semble alors recouvert d’un voile ou duvet  blanchâtre pulvérulent.

    Les immatures ont une couleur proche de celle de la femelle, en plus claire.


    Les deux paires d’ailes possèdent une large zone brun foncé à l’endroit où elles s’insèrent sur le corps.

    L’avant du thorax présente deux bandes latérales plus claires que la partie centrale.

    Les deux gros yeux sont bruns et se touchent, c'est un caractère de tous les anisoptères.


    Répartition

    La libellule déprimée est très commune en Europe et en France. Son aire de répartition s’étend jusqu’en Asie centrale. C’est la première libellule qui a colonisé notre mare.


    Période d’observation et comportement

    Les photographies de cet article ont été prises en mai, juin et juillet de 2011 à 2020 à proximité de notre mare à Larrivoire (Jura) à 720 mètres d’altitude.


    C’est la première libellule que l’on observe au printemps, début mai. 

    C’est une espèce très territoriale, le mâle ne laisse en aucun cas un autre mâle approcher de la mare. Si c’est le cas, un violent combat s’ensuit, pouvant durer plusieurs minutes, jusqu’à ce que le perdant s’enfuît. Les mâles se heurtent à grande vitesse avec une force impressionnante, on entend le choc des corps à plusieurs mètres. Ce spectacle nous rappelle combien la chitine qui constitue la cuticule des insectes est résistante, les arthropodes sont de vrais cuirassés !


    Une année, j’ai pu observer un mâle de Libellula depressa s’attaquer à tous les polistes (sorte de guêpe) qui passaient au-dessus de la mare. Il n’essayait pas de les capturer, ils sont beaucoup trop gros pour qu’il puisse les manger, mais il les choquait de haut en bas pour les précipiter dans l’eau !


    Habitat

    La libellule déprimée fréquente les eaux stagnantes, en particulier celles ensoleillées et de faibles profondeurs. J’ai remarqué que cette libellule fuit littéralement l’ombre, dès que le soleil baisse sur l’horizon et que la mare se retrouve à l’ombre, cette libellule disparait, même par température élevée.

    Les adultes peuvent s’éloigner de plusieurs kilomètres des points d’eau.


    Alimentation

    La larve aquatique est carnivore, elle possède un masque préhenseur, caractéristique des odonates en général. Il s’agit d’un appareil buccal mobile muni de pinces. Elle peut s’attaquer à des animaux d’assez grande taille, comme les têtards.

    L’adulte est insectivore, il chasse en vol des insectes aériens.


    Reproduction

    L’accouplement a lieu en vol et donne lieu à un drôle de ballet. Pour pouvoir mettre en contact leurs appareils reproducteurs, le mâle et la femelle doivent replier leurs abdomens, la forme de cet assemblage hétéroclite qui en résulte, évoque un cœur. Les individus sont plus vulnérables à ce moment, car leur capacité de vol s’en trouve grandement amoindri.


    La femelle pond en vol, le corps en position verticale réalise des montées-descentes incessantes pour déposer ses œufs à la surface de l’eau. Ces œufs vont tomber au fond, ils écloront dans quelques semaines et donneront des larves. Ces larves aquatiques resteront dans cet état pendant un à deux ans, et après plusieurs mues, au printemps, la larve grimpera sur une tige végétale et sortira de l’eau. L’imago va alors déchirer la peau de la larve et s’en extraire, ce phénomène se nomme « émergence ». 

    L’imago devra patienter immobile plusieurs dizaines de minutes au soleil avant que ses ailes soient suffisamment rigides pour lui permettre de s’envoler. À ce moment-là, l’individu est sans défense, totalement vulnérable.


    Remarques

    Les photographies 3 et 7 représentent des femelles, les autres des mâles.

    La durée de vie des adultes est de quelques mois entre avril et août.


    Sur la dernière photographie, vous pouvez voir une femelle en vol stationnaire, ces insectes possèdent des capacités de vol remarquables. Accélération foudroyante, arrêt tout aussi rapide, changement de direction brusque, vol stationnaire, vol sur le dos, vol avec le corps vertical et même vol à reculons. Leur vitesse peut dépasser les 50 km/h. 


    Des analyses avec des caméras à haute vitesse montrent que les libellules inclinent leur corps comme le fait un hélicoptère pour avancer ou reculer. De plus, leurs ailes sont orientables dans plusieurs directions, comme les pales d’un hélicoptère. Comme quoi, nous n’avons rien inventé !


    Mâle de libellule déprimée, remarquez les zones jaunes au bord de l'abdomen  (Libellula depressa)
    Femelle de libellule déprimée (Libellula depressa) posée sur une branche
    Mâle de libellule déprimée (Libellula depressa), détail des ailes
    Mâle de libellule déprimée (Libellula depressa) à l'affut
    Mâle de libellule déprimée (Libellula depressa), vue arrière
    Femelle de libellule déprimée (Libellula depressa) en vol
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