Invité
684403 Vues
0 Com.
Thierry Pernot
26/05/2021
Les sols de Franche-Comté
Description et formation des différents types de sols de Franche-Comté
N° article : 154
  1. couverture du livre : Les sols de Franche-Comté aux éditions CUER

    Les sols de Franche-Comté


    Auteurs : Sylvain Bruckert et Michèle Gaiffe (Laboratoire de pédologie Université de Franche-Comté).

    Année de sortie : 1985 

    Éditeur : Éditions CUER (Centre Universitaire d’Études Régionales)

    Format : 215 x 200 x 14 mm 142 pages

    Prix : ?


    Cet ouvrage propose un panorama des différents types de sols présents en Franche-Comté.


    Ce livre a été écrit par les universitaires Sylvain Bruckert et Michèle Gaiffe que j’ai eu la chance d’avoir comme professeurs lors de mes études à l’université de Besançon. Nous avions à l’époque, sous leur direction et avec mes camarades, réalisé une partie de la cartographie des sols dans la région de Bonnevaux.


    Chapitre 1 : le sol, système biologique complexe

    Ce chapitre va rappeler ce qu’est un sol, comment il est constitué et comment ses constituants interagissent entre eux et avec le milieu extérieur. On découvrira la notion d’horizon, couches distinctes qui se forment par le jeu des transferts d’éléments vers le bas (lessivage et lixiviation), mais aussi vers le haut via le cycle biologique du sol.


    La notion de complexe organominéral sera également abordée.


    Chapitre 2 : Facteurs de formation et principaux caractères des sols de la Franche-Comté centrale

    Les auteurs indiquent que les sols de Franche-Comté peuvent être subdivisés en deux grands domaines :


    - L’un modelé par le glaciaire récent (plateaux de Levier et Champagnole, Combe d’Ain et Haute-Chaine). Cette zone sera dénommée « Haute Franche-Comté ».


    - L’autre qui a échappé aux effets de la dernière glaciation (ensemble des premiers plateaux jurassiens d’Ornans et de Saône, la région préjurassienne et les plateaux de Vesoul et de Haute-Saône). Cette zone sera dénommée « Basse Franche-Comté ».


    Les sols de Haute Franche-Comté

    Les sols de cette zone sont construits la plupart du temps sur des calcaires du Jurassique supérieur pauvre en impuretés. Soit purs (moins de 3% d’impuretés), soit impurs (entre 3 et 15% d’impuretés, souvent moins de 10%). Ces derniers plus souples se sont déformés alors que les premiers se sont fracturés sous la force tectonique.


    Sur ce domaine, l’impact des glaciers a été très important et les formations meubles ont été fortement remaniées, arrachées sur les parties supérieures et déposées dans les dépressions synclinales.


    Suivant la position altitudinale des terrains (baisse de température et augmentation de la pluviométrie avec l’altitude) le phénomène de lessivage des sols sera plus ou moins important.


    Les auteurs distinguent et décrivent :

    - Les sols bruns à pellicules calcaires

    - Les sols humocalciques

    - Les sols des lapiaz (sols lithocalciques humifères à mor)

    - Les sols bruns lessivés

    - Les sols drainés (sols bruns calcaires, sols bruns calciques et sols bruns sur des matériaux soliflué)

    - Les sols hydromorphes (en particulier sur tourbières avec des tourbes calciques ou acides ou des sols humiques à gley)

    - Les sols brun ocreux

    - les sols de l’étage subalpin avec parfois un début de podzolisation


    Les sols de Basse Franche-Comté

    Épargné par les glaciers, ce domaine présente des sols avec une histoire pédologique longue et donc une profondeur souvent importante.


     À partir d’une grande variété d’altérites (les argiles de décarbonatation, les argiles à chailles, les limons et sables de décarbonatation, les limons éoliens ou ruisselé de compositions différentes, les épandages de chailles) les auteurs distinguent et décrivent plusieurs types de sols :

    - Les sols bruns

    - Les sols bruns lessivés

    - Les sols lessivés

    - Les sols lessivés à pseudogley

    - Les sols lessivés podzoliques

    - Les sols bruns calciques

    - Les sols colluviaux des hêtraies

    - Les rendzines sur groises

    - Les sols bruns calciques superficiels

    - Les gleys à hydromull

    - Les gleys à anmoor


    La migration du fer

    J’en profite pour vous donner une explication intéressante : vous avez certainement déjà remarqué des zones bleues ou rouges dans certains sols, le plus courant est de voir des dépôts couleur rouille au fond de petits ruisseaux.

     

    L’explication est la suivante : le fer contenu dans le sol (c’est lui qui donne la couleur brune) peut être présent sous deux formes. En présence d’oxygène il est sous l’état ferrique Fe3+, la forme complexée, en absence d’oxygène il est sous l’état ferreux Fe2+. Ce dernier est soluble dans l’eau, alors que le premier non.


    Si une nappe temporaire se forme dans un sol (cas des pseudogleys par exemple) l’eau stagnante va priver le sol d’oxygène, le fer va passer à l’état ferreux de couleur bleue et comme il est soluble, il va migrer et se concentrer en certains endroits formant des taches bleues. Les zones qui auront perdu leur fer vont devenir blanches (caractéristiques des gleys).


    Si la nappe est mobile et que l’eau finit par s’écouler à l’extérieur du sol, au contact de l’oxygène de l’air le fer va repasser à l’état ferrique non soluble et va donc précipiter sous forme d’hydroxyde de fer : Fe(OH)3. C’est pour cela que vous voyez parfois des zones couleurs rouilles au fond de petits ruisseaux. Cela vous indique la proximité d’un gley à nappe temporaire à proximité.


    Cette migration du fer, si elle est importante, peut dans certains cas rendre une eau impropre à la consommation.


    Chapitre 3 : l’apport de la cartographie des sols à la compréhension des paysages et à l’aménagement des terres

    Dans ce chapitre, les auteurs vont nous montrer comment la connaissance des sols permet d’interpréter les paysages. La plaine de Frasne-Bonnevaux est prise en exemple.


    La manière dont l’écoulement de l’eau se produit a une influence importante sur la formation végétale résultante. Si l’eau transite par un milieu carbonaté ou pas, sa composition chimique sera très différente. Ensuite, l’eau pourra soit être évacuée par des pertes au niveau du karst soit s’accumuler dans des dépressions fermées étanches. Suivant les cas de figure, nous obtiendrons des bas marais alcalins ou des tourbières acides.


    Les auteurs expliquent que c’est davantage la perméabilité du fond synclinal (calcaire fissuré drainant ou marne imperméable) que la présence de moraine qui joue sur le type de formation qui se produit.

     

    Ils montrent que depuis la dernière glaciation (Würm), la plaine étudiée a été l’objet de deux épisodes érosifs, un lors de la fonte des glaciers et un autre suite au défrichement massif de la forêt.


    Les auteurs indiquent également que l’absence d’exutoire efficace ne permettrait pas un assainissement des zones marécageuses. Assainissement qui n’est d’ailleurs pas souhaitable quand on connait la richesse écologique des tourbières. J’ai pu constater cela au niveau de la tourbière de Mignovillard (La seigne des Barbouillons), un fossé avait été creusé tout autour de la seigne pour tenter de la drainer, sans effet. Actuellement avec le réchauffement climatique et la baisse des précipitations, le risque que ce drain fonctionne est plus important. Le parc naturel régional du Haut-Jura vient justement de combler ce fossé, sage précaution. 


    La suite de ce chapitre vise à déterminer pour chaque type de sol ces qualités agronomiques. Les sols sont regroupés en six classes, la première représentant les sols d’excellente valeur, la dernière les sols de valeur très inférieure soumis à des contraintes majeures. Ces six classes sont définies en fonction des matériaux qui constitue le sol combinés aux contraintes auxquelles il est soumis (hydromorphie, érosion, sécheresse, battance, pierrosité, faible épaisseur, pente forte, etc.).


    Les auteurs indiquent pour chaque classe de sols les aménagements possibles pour en améliorer le rendement agricole, sans toutefois déclencher un problème environnemental.


    Chapitre 4 : la recherche fondamentale au service de la conservation et de l’amélioration des sols

    Dans ce chapitre, les auteurs vont nous parler du problème de l’érosion des sols, de l’importance du stock humique des sols, de la difficulté de la fertilisation azotée, de la particularité des milieux forestiers.


    L’érosion

    Concernant l’érosion, on note un déplacement classique des matériaux des points hauts vers les points bas avec ensuite une accumulation et/ou une perte via le réseau karstique. Les sols des territoires étudiés lorsqu’ils sont recouverts de forêts ou de prairie sont relativement bien protégés, ce qui n’est pas le cas des zones de labours ou lors de coupe à blanc.


    Le stock humique

    La matière organique du sol (débris végétaux et animaux, apports agricoles) va être décomposée et minéralisée pour être de nouveau disponible aux plantes. Mais ce cycle se produit en plusieurs étapes avec constitution de composés humiques plus ou moins stables. Ce stock humique va ainsi permettre une libération progressive des éléments nutritifs, il joue également un rôle important dans la structuration du sol, facilitant l’aération et la pénétration des racines. 


    Comme les argiles, les composés humiques ont une grande capacité de rétention des éléments minéraux. Ceci explique la qualité de certaines forêts qui semblent reposer sur un sol superficiel quasi inexistant. La fine couche noire humique très riche permet à elle seule une bonne croissance des arbres.


    Plus un sol disposera d’un stock humique important, plus il sera sombre, voire noir. Les auteurs donnent des pistes pour réguler ce stock humique.


    L’azote

    Dans cette partie, les auteurs expliquent le cycle de l’azote. C’est souvent cet élément le facteur limitant de la croissance des végétaux. L’apport d’engrais azotés produit une forte augmentation de rendement, le problème est qu’il est très difficile de réaliser cet apport à sa juste valeur sans entrainer une pollution des nappes phréatiques.


    De nombreux paramètres sont à prendre en compte : la quantité d’azote actuellement disponible dans le sol, la capacité des cultures à l’absorber, les capacités de rétention du sol, etc. 


    Les auteurs rappellent que les bactéries du genre rhizobium grâce à une enzyme particulière, la nitrogénase, ont la capacité de fixer l’azote atmosphérique en azote assimilable par les plantes. Ces bactéries étant présentes au niveau des racines des légumineuses, les auteurs rappellent l’importance de ces cultures. Sous nos climats, les rhizobiums peuvent fixer chaque année 200 kg d’azote par hectare.


    Dans le milieu naturel, les plantes trouvent l’azote à partir de deux sources : grâce aux organismes fixateurs de l’azote atmosphérique et via la réserve organique du sol.


    Dans un milieu cultivé, l’exportation des produits de la culture produit une diminution de la réserve organique et nécessite donc de la compenser par des apports. 


    Les apports d’azote, sous forme d’engrais, étant très soluble dans l’eau, ils sont, en cas de précipitations, très rapidement emportées dans les cours d’eau en pure perte et avec une forte pollution à la clé.


    Les auteurs analysent une expérience très intéressante, qui montre que le rendement maximal d’un champ ne dépend pas de sa fertilisation, mais de facteurs intrinsèques à la qualité du sol. 

    Je cite : « Inutile de vouloir rivaliser avec la Beauce en augmentant les doses d’engrais, nos sols ont leurs propres limites ! »


    L’enrésinement est-il un facteur de dégradation des sols franc-comtois ?

    Les auteurs nous indiquent que sur nos sols calcaires, les résineux ne posent pas plus de problèmes que les feuillues. Ce qui pose problème ce sont les peuplements monospécifiques. En produisant une litière homogène peu appétente pour les microorganismes ils ralentissent la minéralisation au niveau du sol.


    La connaissance des sols, atout de la régénération naturelle de nos forêts.

    Les auteurs nous parlent des recherches effectuées pour tenter de définir les facteurs édaphiques qui facilitent la régénération des forêts.


    Conclusion

    Ce livre très concret, basé sur de multiples observations et expériences, permet, en peu de pages, de comprendre les facteurs importants qui régissent la fertilité de nos sols, une belle réussite.


    Faciès de calcaire concassé et de calcaire massif peu diaclasé
684403 Vues
0 Com.
N° article : 154