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Thierry Pernot
03/05/2021
Montagnes du Jura, géologie et paysages
Apprenez à lire les paysages du Jura à l'aide de clefs géologiques
N° article : 146
  1. Couverture du livre Montagnes du Jura, géologie et paysages<br>De Vincent Bichet et Michel Campy.

    Montagnes du Jura, géologie et paysages


    Auteurs : Vincent Bichet et Michel Campy

    Année de sortie : 2008

    Éditeur : Néo-Éditions

    Format : 274 x 215 x 27 mm  304 pages

    Prix : 39 € 


    Ce livre va vous présenter le massif du Jura dans son ensemble, d’un point de vue géologique et géomorphologique. L’utilisation de coupes géologiques en surimpression sur les photographies de paysages est fascinante et permet une compréhension immédiate et une bonne lecture des paysages.

    Ce livre est une franche réussite, il dispose d’une excellente maquette et regorge de schémas et de photographies.


    Introduction

    Le terme « Jura » dériverait de « Joux » signifiant « forêt », mais sans certitude absolue. Le livre traite de tout le massif du Jura géologiquement parlant, sans se borner aux frontières et limites administratives. Ce croissant de 300 km sur 70 km résulte d’un plissement du sous-sol provoqué par la poussée alpine.


    Le massif du Jura est composé de quatre unités :

    - La Haute-Chaine : elle constitue l’axe majeur de la chaine avec des points culminants jusqu’à 1720 mètres. 


    - Les plateaux : ils sont constitués de couches géologiques horizontales plus ou moins plissées et entaillés par des reculées.


    - Les faisceaux : il s’agit de zones étroites disloquées, plissées et faillées qui s’allongent entre les plateaux.


    - Deux structures faillées particulières : les Avant-Monts au contact du faisceau de Besançon et le Jura alsacien.


    Dans cette introduction, les auteurs vont replacer le Jura dans son contexte géologique global et le positionner par rapport aux Préalpes, aux chaines subalpines et aux massifs cristallins l’encadrant. Une belle carte en couleur synthétise l’introduction.


    À noter, une autre carte récapitulative donne les références, pour chaque zone, de la carte géologique au 1 /50 000 correspondante.


    Première partie : quelques clefs pour comprendre la géologie du Jura

    Ce chapitre est un rappel extrêmement bien réalisé de toutes les notions à connaitre pour pouvoir appréhender la géologie jurassienne.


    Cette partie est découpée en trois chapitres : 

    - Nature, organisation et formation des terrains

    Lecture d’un paysage, les terrains sédimentaires du Jura, la notion de couche géologique, les calcaires, les marnes, la stratigraphie, l’horloge des temps géologiques.


    - Déformation des terrains

    Anticlinaux et synclinaux, les différents types de failles, les miroirs de faille, les diaclases.


    - Érosion et formation des paysages

    L’érosion et ses traces, la dissolution des calcaires, la notion de sol, le recul des versants, les traces du passage des glaciers, les paysages karstiques, les lapiés (ou lapiaz), les dolines et avens, la morphologie jurassienne, les cluses.


    Pour chaque notion, les textes sont agrémentés de photographies et de schémas très pédagogiques.

    Par exemple, vous y apprendrez que la dissolution des calcaires du Jura par l’eau de pluie acide se produit au rythme de 0,1 millimètre par an en moyenne. Cela paraît très peu, mais cela représente 100 mètres sur les cent derniers millions d’années ! En géologie, il faut souvent réfléchir sur une échelle de temps long.


    Ce phénomène provoque la formation d’une structure géologique particulière nommée « karst ». La plupart des calcaires n’étant pas purs, leur dissolution laisse un résidu : les argiles de décalcification. Certains calcaires comme ceux de l’Aalénien, du Bajocien et du Callovien peuvent contenir jusqu’à 10 % de matériaux insolubles, alors que les calcaires compacts du Bathonien et du Portlandien en contiennent très peu.


    Deuxième partie : les matériaux géologiques jurassiens

    Le socle primaire du Jura constitué de granite ou de roches volcaniques n’affleure que dans le sud des Vosges et dans le petit massif de la Serre au nord de Dole. Pour le massif du Jura, les terrains formant le substrat sont essentiellement d’origine sédimentaire, ils se sont formés en milieu marin durant les ères secondaires et tertiaires. Au cours de l’ère quaternaire, des formations superficielles créées par érosion vont recouvrir ce substrat.


    - Les matériaux du substrat (primaire, secondaire et tertiaire)

    Les roches du socle : le massif de la Serre.


    Les terrains du Trias : le sel, le gypse et les marnes irisées du Trias, dans lesquelles ont été découvert des fossiles de dinosaures, dont le platéosaure.


    Les terrains du jurassique inférieur : le Lias et ses fossiles, calcaires à gryphées, le lias de Château-Chalon. Les tuiles « Migeon » à Lantenne-Vertrière, entre Dole et Besançon, utilisent les marnes du Lias (Toarcien).


    Les terrains du jurassique moyen : le Dogger, bien visible au niveau des reculées de Poligny, Les Planches-près-Arbois, Baume-les-Messieurs, Conliège.


    Les terrains du jurassique supérieur : le Malm, bien visible au cirque des foules à Saint-Claude. Les marnes et calcaires marneux de l’Argovien ont été exploités par les cimenteries de Champagnole.  Ce sont dans ces calcaires (Kimméridgien) que se trouve le récif corallien de Valfin-les-Saint-Claude, il s’agit d’un site de renommée mondiale étudié la première fois par le chanoine Bourgeat en 1886.


    C’est également à partir de ces calcaires que la cimenterie Holcim de Rochefort-sur-Nenon produit son ciment.


    Autre remarque, c'est dans les calcaires du jurassique supérieur que se trouvent les magnifiques empreintes de dinosaures de la carrière de Loulle (-155 Ma), du site de Coisia (-147Ma) et de Courtedoux (-152Ma).


    Les terrains du Crétacé : période finale de l’ère secondaire, elle n’est pas représentée complètement dans le Jura, le crétacé supérieur ayant été érodé. On notera les calcaires roux et les marnes grises du Crétacé de la Haute-Chaine.


    Dans le Haut-Doubs et la région de Neuchâtel, c’est dans ce substrat qu’il a été puisé « la pierre jaune de Neuchâtel ». Elle a été utilisée, par exemple, pour la construction du tribunal et du collège Philippe Grenier de Pontarlier. 


    Les carrières de marbre de la vallée de la Bienne (Marignat, Chassal et Pratz) ont exploité jusqu’en 1984 les calcaires du Barrémien. Les auteurs expliquent qu’il ne s’agit pas de vrais marbres. Les marbres sont des roches métamorphiques cristallisées sous l’effet de de la chaleur ou de la pression.

    Les calcaires du Barrémien de la région, naturellement fracturés, ont subi une recristallisation de calcite les rendant aptes au polissage. Il faudrait donc les appeler « pierre marbrière ».


    Les terrains tertiaires : les molasses tertiaires de la Haute-Chaine, les cailloutis de la forêt de Chaux.


    - Les matériaux de surface mis en place au quaternaire

    L’érosion a produit des couches peu épaisses (éboulis, alluvions) qui masquent les matériaux du substrat étudiés précédemment, on les nomme « formations superficielles ».


    Les matériaux d’origine glaciaire : il s’agit des moraines charriées par les glaciers. Elles présentent une épaisseur de quelques mètres pouvant aller jusqu’à cinquante mètres. Les auteurs nous présentent des cartes montrant le positionnement des langues glaciaires lors de la dernière glaciation, le Würm.


    Du nord au sud, nous observons les langues de : Pontarlier, Frasne, Champagnole, Doucier, Clairvaux, Orgelet, la langue de l’Ain et Nantua.


    C’est en lisant ce chapitre que je me suis rendu compte que la maison de mes parents à Crotenay se trouvait en bord de lac il y a 20 000 ans ! En effet, la maison se trouve à la base d’une immense moraine produite par la langue glaciaire de Champagnole. Cette moraine est d’ailleurs exploitée pour ses sables et graviers de très bonne qualité, car très propres, par deux carrières. La langue glaciaire d’Orgelet bloquait l’écoulement de l’eau, la combe d’Ain formait alors un grand lac de 30 km de long : le lac de la combe d’Ain.

    Cela m’a procuré un sentiment assez étrange de m’imaginer 20 000 ans plus tôt en train de contempler les reflets du soleil sur cette immense étendue d’eau. Lors de la fonte du glacier, les graviers transportés par les eaux ont formé le delta de Crotenay, sur lequel se trouve aujourd’hui le terrain d’aviation.


    La tourbe et les tourbières : La chaine jurassienne comporte 150 tourbières qui se sont formées dans les dépressions mal drainées laissées par les glaciers.


    Les alluvions fluviatiles : les plaines alluviales présentent des sols fertiles exploités par l’agriculture, sont une ressource en granulats, mais sont aussi d’excellents aquifères. Les auteurs nous montrent comment se forment les terrasses alluviales et comment nous pouvons les repérer dans le paysage.


    Les dépôts de versant : l’érosion provoque différents types de dépôts : les dépôts de base de corniche, les dépôts de versant marneux et les dépôts de faible pente.

    Ces dépôts recouvrent et masquent le substrat sous-jacent.


    Troisième partie : les paysages jurassiens expliqués par la géologie

    Cette partie très intéressante est l’aboutissement du livre. Fort des connaissances acquises lors des deux premières parties, Michel Campy et Vincent Bichet nous proposent d’expliquer la morphologie des paysages jurassiens par la géologie. C’est dans cette partie que la technique de superposition de schémas géologiques sur des photographies réelles de paysages exprime tout son intérêt.


    Les paysages seront divisés en cinq chapitres : les plateaux, les reculées, les faisceaux, la haute chaine plissée et les paysages d’origine glaciaire.


    Les plateaux

    Les auteurs prennent en exemple les plateaux d’Ornans et de Lons-Le-Saunier. Il analyse également un exemple de Karst avec la grotte de Milandre à proximité de Boncourt, dans le canton du Jura suisse.

     

    Les reculées

    De nombreuses photographies et de nombreux schémas nous expliquent la formation et la structure des reculées. Les auteurs détaillent les reculées suivantes : Baume-les-Messieurs, Poligny, Arbois, Salins-les-Bains, la reculée de la Loue, du Lison, celles du plateau de Champagnole (le hérisson, la Frasnée, Ney, Balerne, Chalain, Clairvaux).


    Les faisceaux

    Le massif du Jura comporte du nord au sud les faisceaux suivants : le faisceau du Lomont, les Avants-Monts en parallèle du faisceau bisontin, le faisceau salinois en face du faisceau de Quingey, les faisceaux lédoniens, de l’Heute et de Syam et pour finir la Petite Montagne qui présente une alternance de faisceaux plissés et de plateaux. 


    Je connais particulièrement bien le faisceau de l’Heute ou « côte de l’Heute ». Originaire de Crotenay, j’ai pas mal arpenté cette côte dans mon enfance à la recherche de jonquilles, de champignons et pour construire des cabanes !

    La côte de l’Heute s’étend de Lemuy à Nogna sur 40 km, en passant par Andelot-en-Montagne, Valempoullières, Montrond, Bonnefontaine, Mirebel et Verges.


    La haute chaine plissée

    La haute chaine forme un croissant de 350 kilomètres en partant au nord du canton d’Argovie en Suisse pour finir au sud dans le département de l’Ain. Sa largeur varie de 20 à 30 kilomètres selon les endroits.


    Les auteurs ont choisi 24 paysages de cette chaine pour nous en expliquer la structure : le bassin de Delémont, les cluses de la vallée de la Birse, les crêtes nord du Jura, l’anticlinal de Montoz, l’anticlinal de Chasseral, le synclinal du Locle, le paléolac de Morteau, la vallée des Ponts, le cirque du Creux-du-Vent, le Suchet et les Aiguilles de Baulmes, le décrochement de Pontarlier, le Mont d’Or et le Risoux, la vallée des deux lacs (Saint-Point et Remoray), la dent de Vaulion et le val de Joux, le Mont Tendre, Bégnines, le Noirmont, l’anticlinal des Planches-en-Montagne, le chevauchement du Pic de l’Aigle, le synclinal perché du Mont Fier, les plis dysharmoniques du Chapeau de Gendarme, de la Cernaise et des Baumettes, le chevauchement de Saint-Claude et la cluse du Flumen, les Hautes-Combes, l’Anticlinal des Monts-Jura et le val de Mijoux, la falaise de Rochefranche et le Reculet, la cluse de Bellegarde à Nantua.


    Rien de moins ! Michel Campy et Vincent Bichet nous livrent ici, le travail d’une vie, remarquable.


    Les paysages d’origine glaciaire

    Le dernier chapitre de cette partie nous donne les clefs pour apprendre à lire les paysages d’origine glaciaire. Au programme : la combe d’Ain, les moraines de Doucier et Chalain, la plaine de l’Arlier et le plateau de Nozeroy.


    Quatrième partie : de l’océan aux montagnes du Jura

    Cette dernière partie va dérouler les différentes étapes de l’histoire du Jura, une histoire partagée avec celle des Alpes.


    Les dix chapitres suivants vont nous donner les clefs pour comprendre cette histoire mouvementée :

    Avant le Jura : une chaine de montagne érodée, au trias, le temps des fleuves et des lagunes, le puzzle des continents, la plateforme carbonatée jurassienne en bordure de l’océan, la mer du Crétacé et l'émersion du Jura.


    La genèse des montagnes du Jura : de l’émersion à la déformation, la grande collision alpine et le plissement du Jura, pourquoi le Jura s’est-il plissé ? les glaciers quaternaires, les indices discrets d’une déformation toujours active.

     

    Annexes

    Le livre se termine par une échelle stratigraphique détaillée et un tableau récapitulatif de l’histoire géologique des montagnes du Jura.

    Deux cartes permettent de visualiser la position de tous les sites présentés dans l’ouvrage, très utiles si vous souhaitez vous rendre sur place pour passer au cas pratique !

    Vous trouverez également une table des matières, un index des lieux et un glossaire des termes géologiques.


    Conclusion

    « Montagnes du Jura » est un livre d’une richesse extrême, très bien pensé et réalisé, jamais complexe, une belle synthèse ouverte à tous pour comprendre les magnifiques paysages du massif du Jura.


    livre Montagne du Jura de Michel Campy<br>Analyse géologique du cirque des Foules à Saint-Claude
    livre Montagnes du Jura de Vincent Bichet<br>Déshabillage d'un paysage ou comment lire un paysage ?
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